Jeux olympiques et paralympiques : les magistrats spécialisés en propriété intellectuelle dans les starting-blocks

A moins d’un mois du lancement des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, les institutions clés de la capitale renforcent leurs préparatifs pour anticiper l’augmentation d’activité attendue. Les tribunaux s’inscrivent dans cette dynamique : la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris, spécialisée dans le contentieux de la propriété intellectuelle, maintiendra ainsi une activité soutenue tout au long des Jeux. Il faut s'attendre à ce que les magistrats de cette chambre reçoivent un volume exceptionnel de demandes de mesures urgentes en matière de propriété intellectuelle.

L’organisation ad hoc mise en place au sein de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris vise à répondre à quatre risques majeurs pour les titulaires de droits de propriété intellectuelle pendant les Jeux olympiques et paralympiques. 

1. La contrefaçon de propriétés olympiques et paralympiques

Les propriétés olympiques et paralympiques incluent les emblèmes, le drapeau, la devise, le symbole, le logo, l'hymne et la mascotte olympiques et paralympiques, ainsi qu'une liste de termes spécifiques tels que "olympique" et "Paris 2024". Elles bénéficient d'un régime de protection autonome exorbitant du droit commun des marques, même en l’absence d'enregistrement de ces signes en tant que marques.

Les dispositions du code du sport relatives aux propriétés olympiques et paralympiques ont été enrichies par des lois adoptées en 2018 et 2022 en préparation des Jeux de Paris 2024, conformément aux exigences de la Charte olympique du Comité international olympique (CIO).

En vertu de ces textes, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le Comité paralympique et sportif français (CPSF) sont respectivement propriétaires des emblèmes olympiques et paralympiques nationaux ; ils sont également dépositaires des propriétés du CIO et du CIP sur le territoire français.

Le code du sport interdit le dépôt en tant que marque, ainsi que la reproduction, l'imitation, l'apposition, la suppression ou la modification non autorisés de ces propriétés. A la différence du droit commun des marques, aucune autre condition - telle que la preuve d’un risque de confusion - n'est exigée pour qu’une contrefaçon soit constituée. Les sanctions pénales encourues sont les mêmes que celles prévues pour la contrefaçon de toute marque ; des sanctions civiles sont également disponibles, notamment devant les juridictions civiles telles que la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris.

Ces dispositions spéciales prévoient que jusqu'au 31 décembre 2024, le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (COJOP) est habilité à agir en cas de contrefaçon des propriétés olympiques et paralympiques. Il peut ainsi demander diverses mesures telles que des injonctions, le rappel et la destruction de produits, l’allocation de dommages-intérêts, ainsi que des mesures de publication judiciaire. Le CNOSF et le CPSF peuvent se joindre à toute procédure engagée par le COJOP pour demander réparation de leur propre préjudice.

La mobilisation de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris permettra au COJOP de solliciter des mesures provisoires tout au long de cet été. Il pourra notamment engager des procédures de référé ou des procédures au fond accélérées (dites « à jour fixe »). Dans des cas urgents de contrefaçon où des circonstances particulières justifieraient une dérogation au principe du contradictoire, le COJOP pourrait également solliciter des mesures par voie de requête

2. La contrefaçon de droits de propriété intellectuelle

Le COJOP et, plus largement, l’ensemble des acteurs des Jeux olympiques et paralympiques (tels que les sponsors et les équipementiers sportifs), pourront également saisir la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris en cas de violation de leurs droits de propriété intellectuelle à l’occasion des Jeux de Paris 2024. 

L’éventail classique des procédures et mesures prévues par le code de la propriété intellectuelle sera disponible pour ces cas de contrefaçon.

Dans ce contexte, il est probable que la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris soit saisie de multiples procédures d'urgence cet été. Dans la perspective de ces actions, les demandeurs pourront notamment déposer des requêtes afin d’obtenir l'autorisation de procéder à des saisies-contrefaçon pour recueillir des preuves d’actes de contrefaçon.

3.  L’ « ambush marketing »

La jurisprudence française définit l'ambush marketing comme « Le fait pour une entreprise de se rendre visible du public lors d’un événement sportif ou culturel afin d’y associer son image tout en évitant de rétribuer les organisateurs et de devenir un supporter officiel »1

Une telle pratique peut être sanctionnée au titre de la concurrence déloyale ou parasitaire sur le fondement de l'article 1240 du code civil ou des pratiques commerciales trompeuses, conformément au code de la consommation.

La troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris a jugé qu’indépendamment d’actes constituant une atteinte aux propriétés olympiques au sens du code du sport, la référence non autorisée au monde des Jeux olympiques peut être qualifiée de parasitisme2. Cette décision s'appuie notamment sur le fait que le CNOSF accorde des licences onéreuses autorisant les partenaires commerciaux à faire référence aux Jeux dans leurs communications commerciales.

Les litiges commerciaux, tels que les actions en concurrence déloyale ou en parasitisme, dans lesquels aucun droit de propriété intellectuelle n'est invoqué, relèvent de la compétence des tribunaux de commerce.

A la différence de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris, le tribunal de commerce de Paris n'a pas mis en place de dispositif d'organisation spécifique pour les prochains Jeux olympiques et paralympiques. Cependant, sous certaines conditions, des affaires particulièrement urgentes liées à l’ambush marketing pourraient être entendues par le Président du tribunal de commerce de Paris cet été, dans le cadre de référés dits « à heure indiquée » ou sur la base de requêtes.

4. La retransmission illicite des Jeux olympiques et paralympiques

Comme c’est le cas lors de toute compétition sportive d’importance, le risque que les compétitions et cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques et paralympiques soient rediffusées sans l’autorisation des titulaires de droits est important. Des mesures d'urgence pourront être demandées par ces derniers pour mettre fin à de telles pratiques :  

  • La retransmission illicite de manifestations sportives est sanctionnée par le code du sport. A ce titre, le Président du tribunal judiciaire peut ordonner des mesures visant à empêcher l'accès depuis le territoire français à tout service de communication au public en ligne diffusant une compétition sans l'autorisation du titulaire de droits. Il peut notamment ordonner des mesures de blocage, de retrait ou de déréférencement.
  • En cas d'atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin par le biais d'un service de communication au public en ligne, le Président du tribunal judiciaire peut également, statuant selon la procédure accélérée au fond, ordonner toutes les mesures appropriées pour prévenir ou faire cesser cette atteinte.

On peut s'attendre à ce que les acteurs des industries des médias et des télécommunications bénéficiaires de licences en vue de diffuser les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 chercheront à obtenir de telles mesures d'urgence tout au long de ces événements. La gestion de ces procédures est susceptible de constituer une part importante des activités confiées à la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris, au cours d'un été qui promet d'être exceptionnellement chargé pour les professionnels du droit à Paris.

 


1 CA Paris, 10 févr. 2012, n° 10/23711
2 TJ Paris, 29 mai 2020, n° 18/14115

Date


Auteur

Axel Munier
Avocat, Associé de BARDEHLE PAGENBERG SAS SPE

Axel Munier